Andrea, Milan

Voici un témoignage qui nous vient d’Italie mais les objectifs et les valeurs défendues sont les mêmes.


Je m’appelle Andrea. Quand j’ai commencé à travailler dans l’école primaire, je pensais pouvoir changer les relations éducatives asymétriques qui existaient entre moi, l’enseignant, et les élèves. Ce fut une illusion de courte durée, j’ai vite constaté l’imperméabilité du système éducatif et mon incapacité à le moduler selon mes convictions sur la nature que devraient avoir les relations entre enfants et adultes à l’intérieur et à l’extérieur de l’école, ainsi que mon incapacité et indisponibilité à m’adapter au système. Une découverte qui ne fut pas dépourvue de souffrance. Au bout de quelques années, il m’a été possible de changer de poste, pour me tourner vers l’enseignement de l’italien aux étrangers adultes. Par rapport à mes années de travail précédentes, ce fut une vraie libération. Il m’était enfin possible d’établir des relations paritaires avec des personnes qui n’étaient pas obligées de venir et qui avaient un vrai désir – ou tout au au moins un réel besoin – d’apprendre. Le système scolaire était le même, mais me trouvant en marge de celui-ci, j’avais des marges de liberté plus importantes et, même s’il y avait toujours des contraintes, il y avait par exemple moins de paperasses à remplir et surtout moins des notes à donner. Bien sûr, à la fin de l’année, il était demandé de faire passer aux élèves un examen qui devait déterminer ce qui avait été appris, ou pas. Mais c’était seulement à la fin, jamais en cours d’année. Plus le temps passe, plus le système essaie de tout bureaucratiser et d’augmenter la quantité des notes à donner en cours de route, même dans le secteur de l’éducation des adultes. Cependant dans ce secteur, du fait de sa marginalité et du faible pourentage de personnes concernées, ce processus avance avec une certaine lenteur par rapport aux autres secteurs de l’éducation. L’un des éléments que j’apprécie le plus de mon travail d’enseignant (que j’exerce depuis plus de vingt ans) est le fait d’avoir la possibilité de réduire au minimum les notes, et les jugements en général. J’apprécie la liberté que cela donne aux élèves comme aux enseignants, contrairement à ce qui se passe dans la majorité des écoles de la planète où la compétition entre les enfants est poussée au maximum. Bien sûr, je parle pour ma part des cours de langue pour étrangers adultes, le discours change dans le cas des cours de formation professionnelle où la nécessité de produire des compétences vendables sur le marché du travail réduit de fait énormément la liberté qui pourtant serait possible quand aussi bien les élèves que les enseignants sont adultes.

Depuis quelques années, j’exerce bénévolement comme « servant du jeu de peindre » dans un atelier d’expression inspiré aux recherches d’Arno Stern, après y avoir moi-même pratiqué l’expression pendant de longues années. Une des caractéristiques les plus importantes de ce lieu est qu’il n’y a jamais des jugements, entre autres parce que les dessins qui y sont faits ne sortent jamais de l’atelier et ne sont jamais vus par personne. Même si le cadre est très différent, l’absence de jugement est une des choses que j’ai pu retrouver dans cette expérience comme je la retrouve e je la cherche dans mon travail d’enseignant. La grande différence est que, dans l’atelier d’expression, l’absence de jugement est un des choix de base, inscrit dans l’ADN même du lieu alors que dans l’enseignement aux adultes, moi et les quelques collègues qui partagent mon avis, essayons simplement de réduire au minimum les notes et les jugements. Et donc la liberté que découvrent les enfants et les adultes qui vont peindre ensemble dans un atelier d’expression est mille fois plus grande.
Il est donc nécessaire de défendre l’existence, en Italie, en France ou ailleurs, des lieux et des associations comme, par exemple, ces ateliers d’expression où tout le monde, enfants et adultes, femmes et hommes, peuvent de nouveau, même pour quelques minutes ou quelques heures seulement, respirer. Respirer cette liberté qu’on ne peut plus retrouver (si tant est qu’elle ait jamais existé) ni à l’école, ni dans la plupart des milieux sociaux.

Il est également nécessaire de défendre la liberté des familles de choisir l’Instruction En Famille (IEF). Je n’ai pas d’enfant mais j’ai connu et je connais plusieurs enfants qui ne sont pas allés à l’école. Il y en a qui ont déjà grandi et sont devenu adultes et certains ont même à leur tour des enfants. Ce sont des individus très différents les uns des autres dans leur parcours personnel, au niveau professionnel, social, etc. Les parents que j’ai rencontrés qui ont fait ce choix pour leurs enfants ont des motivations différentes et leur donnent une éducation qu’il n’est pas possible de faire rentrer dans un seul cadre théorique et/ou pédagogique. En effet, pour la plupart de ces parents il n’y a pas de propos idéologiques ou, en tous cas, théoriques a priori, mais la volonté de respecter au maximum les désirs et les besoins des enfants, désirs et besoins qui sont toujours différents pour chaque enfant. Ce qu’on peut retrouver chez la plupart des ces enfants IEF, qu’ils soient déjà devenus adultes ou non, c’est qu’ils ont gardé une autonomie, une capacité de jugement individuelle et une liberté d’esprit, même s’ils sont tous très différents les uns des autres. Ces caractéristiques, on les retrouve beaucoup moins chez les enfants qui vont ou sont allés à l’école, où ils ont très probablement subi des abus physiques et psychiques, tant de la part des autres enfants que de celle des adultes et où ils ont certainement vécu pendant de très longues années dans un climat de compétition perpétuelle.

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