Je m’appelle Julie et j’ai 37 ans. J’ai fait mon entière scolarité, de même que ma grande sœur, du CP jusqu’à la Terminale, à domicile par le biais des cours par correspondance dispensés par le CNED. J’ai également un frère aîné qui a aussi suivi les cours du CNED, jusqu’en Seconde. Ensuite, il a préféré intégrer le lycée, sans problème d’ailleurs. Il est aujourd’hui éducateur spécialisé et professeur de tennis.
Jusqu’à mes 10 ans, j’ai habité avec ma famille dans un chalet en forêt, éloigné de 3km de tout voisin. Ces 10 premières années ont été probablement les plus belles de ma vie : 1 à 2h de travail suffisaient pour suivre le programme et le reste du temps nous jouions, en profitant du cadre magnifique dans lequel nous habitions. Nous n’avions ni télévision, ni ordinateur (je n’en ai pas eu avant mes 20 ans).
Toute ma petite enfance, nous n’avons eu aucun problème pour jouer avec les autres enfants. Nous les rencontrions aux cours de danse et de musique. Puis une fois que nous avons déménagé en ville (après mes 10 ans), nous nous sommes fait aussi des amis parmi nos voisins. A l’adolescence, nous nous sentions plus en décalage, mais ça ne nous pas empêchées d’avoir des amis.
En parallèle aux activités artistiques, l’école à domicile nous permettait de partager la vie de la maison. Apprendre à cuisiner, à faire le ménage, la lessive, le repassage. Aider ma mère à faire les courses (comprendre en même temps la notion de budget) et apprendre à être attentif à l’équilibre alimentaire. Apprendre le tricot et la couture. Et faire de grandes ballades en forêt où nous avons appris, avec ma mère qui s’y intéresse, à reconnaître les plantes qui permettent de faire de délicieuses tisanes. Je ne me souviens pas avoir appris le respect des autres et du monde, ni les principes de l’écologie car c’était tellement intégré dans notre mode de vie que ça allait de soi.
L’école à la maison nous a donc permis de vivre une vie active et réelle, qui nous a préparé à être entièrement autonome dès que nous souhaiterions prendre notre envol du foyer.
A 18 ans, après un Baccalauréat Littéraire, j’ai quitté la maison pour intégrer le Conservatoire de Strasbourg en musique et poursuivre l’apprentissage de la flûte à bec, du hautbois et du piano (qui a bifurqué vers le clavecin). J’ai obtenu mon diplôme, puis j’ai poursuivi mes études dans une Haute Ecole de musique en Suisse, la Schola Cantorum à Bâle. J’y ai obtenu un Bachelor en musique ancienne, puis un Master en pédagogie de la musique. Au passage, j’ai consolidé mon anglais, mon allemand et mon espagnol.
Ma sœur, après un Baccalauréat Scientifique, a fait un DUT génie mécanique, suivi d’une licence pro en ingénierie simultanée. Elle est aujourd’hui technicienne méthode dans une grande entreprise.
De mon côté, j’enseigne dans 4 écoles de musique dont 2 municipales. En couple avec un ingénieur en informatique, j’ai deux filles de 3 ans et 1 an, et nous venons de commencer l’Instruction En Famille (IEF) avec l’ainée.
Bien qu’ayant fait toute ma scolarité à la maison, je ne pensais pas faire de même pour mes enfants, car de prime abord je ne le souhaitais pas forcément, ni ne m’en sentais capable. Mais la loi rendant obligatoire l’instruction à 3 ans est arrivée en 2019, alors que ma fille avait 2 ans. Mon conjoint et moi ne nous sommes pas vus la mettre à l’école dès l’année suivante. A cause de mes horaires de travail, (en tant que professeur de musique, je travaille en général à partir de 16h ou plus tôt, et rentre rarement avant 20h30/21h), ma fille ne m’aurait quasiment plus vue du jour au lendemain, en dehors du samedi après-midi et du dimanche. Alors qu’actuellement elle peut être avec moi au moins jusque 15h tous les jours, ce qui est idéal pour l’IEF.
Nous avions de plus envie de continuer ce que nous faisions depuis sa naissance : la laisser découvrir le monde librement, apprendre sans s’en rendre compte à travers le quotidien, choisir ses activités par goût et envie. Respecter son rythme et la voir grandir.
C’est une richesse de pouvoir accompagner individuellement l’enfant, prendre autant de temps qu’il a besoin ou le souhaite pour lui expliquer ou lui montrer quelque chose. Développer et approfondir à l’envie une thématique, si l’enfant le souhaite.
Pour l’instant, notre fille de 3ans ne « travaille » jamais car pour elle tout est jeu, même les apprentissages « formels » tel que compter et reconnaître les lettres. Nous ne lui imposons rien : soi elle cherche seule une activité qu’elle a à disposition, soit nous lui proposons et elle dispose. Elle est curieuse, enthousiaste et aime « travailler » en chantant. Nous sommes nous-même étonnés de tout ce qu’elle a déjà appris et de tout ce qu’elle sait faire.
En dehors de cela, elle va une fois par semaine à un cours de piscine, à une école de cirque et deux après-midis par semaine à la garderie.
Nous faisons aussi, en moyenne une fois par semaine, une sortie avec d’autres familles en IEF : en forêt, dans des parcs ou dans des lieux ludiques, pédagogiques, etc. Elle est épanouie et vivante, curieuse et toujours joyeuse. Même avec une maîtresse géniale, je ne pense pas qu’elle pourrait avoir la même attention et liberté que nous lui donnons et il est certain qu’elle ne pourrait pas chanter en travaillant…
L’annonce du projet de loi est arrivée comme un coup de massue. Si elle passe, je devrais me reconvertir ou m’arrêter de travailler, si je veux encore voir mes enfants… J’envisage une reconversion, au moins partielle, dans l’éventualité de proposer à notre fille d’aller à l’école pour l’entrée au CP si elle le souhaite mais le faire d’ici la rentrée 2021, c’est impossible ! De plus, nous avons décidé de faire l’IEF pour le temps de la maternelle mais si ce mode de fonctionnement nous convient à tous (les enfants ont leur mot à dire !), nous aimerions pouvoir continuer au-delà.