Voici le témoignage de Nicolas, un conjoint, Papa IEF, enseignant en établissement publique et citoyen libre.
A l’heure des beaux discours de nos chers dirigeants (d’autres politiciens comme Jean-Luc Mélenchon par exemple) sur la suppression de l’IEF en France, sous couvert de lutte contre les séparatismes religieux, je viens partager avec vous mon parcours, mon expérience et mon point de vue.
Je vais commencer par parler de mon vécu et mon expérience. Ensuite je vous donnerais mon point de vue sur les arguments visant à promouvoir l’interdiction de l’IEF.
J’ai toujours été un enfant très scolaire. Je n’étais pas forcément heureux et épanoui en classe mais j’y réussissais très bien jusqu’au lycée où j’ai décroché, suite à un évènement familial qui s’est produit en fin de 3ème. Là, mes résultats ont commencé à baisser et moi qui n’avais toujours eu que des remarques bienveillantes de la part de mes enseignants, j’ai eu droit à d’autres discours, cassants, rabaissants sans qu’ils ne cherchent à comprendre ce changement chez moi. Certains, et notamment ma professeur de mathématiques de lycée, me prédisait avec certitude que je serai incapable de faire des études supérieures. Ayant un fort esprit revanchard, j’ai poussé le vice à aller jusqu’à la thèse dans un laboratoire affilié à l’ENS de Paris.
Mon projet professionnel n’était pourtant pas clair, j’hésitais entre la recherche et l’enseignement. J’ai essayé le premier pour finir dans le second. Entre temps, j’ai fait un certains nombres de jobs alimentaires.
J’ai d’abord postulé pour des postes de professeur de mathématiques. Ayant fait des études supérieures très axées sur les maths, je me disais que je serais accepté facilement. Mais pour une histoire d’intitulé de diplôme, on m’a refusé les maths mais proposé un poste de professeur de SVT alors que je n’en n’avais plus fait depuis ma première année d’étude universitaire.
Quand j’ai dégoté mon premier poste en tant que professeur contractuel de SVT, j’ai pris mes fonctions en me disant que je ne me permettrais pas de faire le genre de remarques que j’avais subi à mes élèves. Malheureusement, n’ayant eu accès à aucune formation avant de me retrouver devant des classes (seconde, première scientifique, terminale scientifique enseignement obligatoire et spécialité), j’ai eu dans un premier temps tendance à refaire, inconsciemment, ce que j’avais vu lorsque j’étais élève, du moins dans les méthodes de travail.
En revanche, j’ai toujours aidé et soutenu mes élèves en difficulté, qu’elles soient scolaires ou personnelles car je n’y avais pas eu droit. J’avais déjà à l’époque un discours qui n’était pas le même que celui de mes collègues.
Cette première année d’enseignement fût très dure (mes élèves en savaient presque autant que moi sur les sujets que je devais leur enseigner), mais très riche et j’ai eu enfin l’impression de faire quelque chose d’utile pour les jeunes générations. Une de mes vocations premières n’était pas morte, bien au contraire, cette expérience l’avait attisée. J’ai donc persévéré.
Les 3 premières années se sont déroulées sans problème avec les élèves ou mes supérieurs. J’ai même eu un très bon rapport d’inspection lors de ma première année d’enseignement. Toutefois je commençais à ouvrir les yeux sur la réalité de ce qu’est être enseignant…
En tant que contractuel (remplaçant non titulaire), on est victime d’un système malveillant, qui ne nous considère pas le moins du monde… Pendant mes 6 années de contractualisation, j’ai subi un nombre incalculable de retard de paiement, nous plongeant à chaque fois, ma famille et moi, dans la précarité. Au total, ce sont plus de 7000€ de frais bancaires de perdus à cause de ces retards de paiement que nous avons assumé. Je travaillais parfois plus de trois mois sans percevoir de salaire, avec toujours la même envie de travailler, la même volonté d’aider les élèves en difficulté. Parallèlement, j’essayais chaque année de passer le CAPES interne, tout en étant affecté sur des postes à une heure de route de chez moi, afin de devenir titulaire et ne plus subir ces maltraitances administratives.
La 4ème année fût celle où tout commença à changer… Je ne supportais plus les malveillances et commençais à être moins investi dans mon travail.
C’est cette année, que mon fils aîné est entré au collège. Enfant hors norme puisque TDAH, il ne collait pas au système, et cela depuis la primaire, mais le collège… C’est autre chose… Pendant des années, on nous a taxé de mauvais parents, incapables d’éduquer un enfant car son trouble n’était pas encore diagnostiqué… Oui je comprenais ce que vivaient ses enseignants car j’avais des élèves ayant ce trouble. Et nous avions un discours clair avec eux. On leur expliquait qu’à la maison aussi c’était difficile pour nous. Mais rien n’y faisait, presque toujours les mêmes réponses, les mêmes jugements dévalorisants pour lui et pour nous…
Lui aussi devenait victime de malveillance et de maltraitance par ce système si louable qu’est l’éducation nationale. 3 collèges différents en 6ème, des rendez-vous toutes les 3-4 semaines… Un épuisement et un stress permanent pour lui comme pour nous.
Et finalement, le diagnostique tombe après deux ans de test et rendez-vous médicaux, il a un TDAH… Un soulagement, une bouffée d’air pur… Tout allait s’arranger, il bénéficierait d’aménagements, de davantage de compréhension, d’aide… Étant professeur je savais comment les élèves ayant un trouble de l’apprentissage doivent être traité… Quelle naïveté… Un aménagement non pris en compte par le collège… Et toujours autant de malveillance… Nous avons donc décidé de sortir notre enfant de ce système qui le brisait, qui éteignait petit à petit l’étincelle de vie qu’il avait dans les yeux, qui anéantissait sa confiance en lui et son estime de soi…
Dans la foulée, nous avons déscolarisé notre fille de 6 ans, pourtant très scolaire, mais qui se mettait déjà une telle pression pour faire une quantité de devoir hallucinante pour des CPs. Après tout, elle avait appris à lire avec sa maman avant d’entrer en CP. Alors les instruire à la maison, pourquoi pas. C’est ainsi que cette belle aventure qu’est l’IEF a commencé pour nous.
Au début nous avons essayé de faire du formel, mais cela ne plaisait à personne, ni aux enfants, ni à nous.
Ma conjointe s’est alors énormément documentée à propos des pédagogies alternatives, des neurosciences, de la psychologie de l’enfant. Nous avons lu (surtout elle) de nombreux livres, bons ou moins bons, ne prenant que ce qui nous intéressait dedans. Nous sommes allés au festival de l’École de la Vie à Montpellier, après la naissance de notre troisième et dernier enfant.
Ce fut des heures et des heures de documentations, de recherche d’informations, d’auto-formation souvent jusque tard dans la nuit pour elle, avant d’arriver où nous nous vivons trouvons actuellement : un apprentissage 100% libre et autonome. Sa dernière trouvaille, l’École de la Liberté, une petite pépite…
Je ne la remercierai jamais assez de m’avoir apporter tout ça.
Voilà maintenant presque 5 ans que nous pratiquons l’IEF, et cela a bouleversé nos vies. Nous sommes plus connectés entre nous, avec la nature que nous ne l’aurions jamais été sans IEF. Nous redécouvrons les valeurs de la vie, nous nous recentrons sur le bonheur. Nos enfants sont libres et heureux, spontanés, créatifs, inventifs, autonomes, épuisants, boudeurs parfois, chamailleurs entre eux mais complices, dans l’entraide, le partage, sans compétition… Bref, vivants ! Et pourtant, Messieurs Macron et Blanquer, ils sont très sociables, font des activités sportives, culturelles. Ils font à leur manière de l’Histoire, des maths, du français, de l’anglais, pratiques des arts en tout genre. Nous n’avons pas la télévision, ils lisent donc énormément, parfois 5 à 6 livres (romans) par semaines. Ils jouent, jouent et jouent encore et encore… Vous ai-je dit qu’ils jouent énormément ?
Ils se découvrent, ils nous découvrent, découvrent leur environnement, le comprennent, le respectent. Ils nous permettent de nous découvrir nous-mêmes. Ils apprennent la persévérance. Ils se donnent les moyens de leurs ambitions respectives, qui changeront peut-être, mais, quand ils se plongent dans une activité, ils se donnent à fond car ils la choisissent. Ils apprennent tous les jours car ils en ont envie, pas parce qu’on le leur impose. Et vous savez quoi ? Ils nous ont réappris à apprendre, non pas par nécessité pour plaire à quelque institution que ce soit, mais par envie. Ils nous ont réappris qu’apprendre lorsqu’on a besoin d’apprendre, pour nous, devient apprendre par envie. Et ces apprentissages sont alors ancrés en nous pour très longtemps.
Aucun prosélytisme religieux à la maison, nous leur apprenons la tolérance et le respect des croyances des autres bien que nous soyons profondément athées. D’une certaine manière, les valeurs de la République sont plus présentes chez nous que dans une école publique ou privée traditionnelle…
Ce bouleversement n’a pas été sans conséquences pour ma conjointe et moi. Changement de paradigme, changement de mode de vie, et ouvrir les yeux a parfois été douloureux pour nous…
Pour ma part, ce que j’ai appris de l’IEF m’a permis d’évoluer dans la pratique de mon métier de professeur. Je ne suis plus le même, je n’ai plus le même rapport à l’élève. J’ai encore plus de considération et de bienveillance pour eux. L’essentiel de mon temps de classe est consacré, en plus de devoir leur inculquer le programme incohérent et aberrant qu’on m’impose, à les aider à se reconstruire, à retrouver confiance en eux après des années dans un système qui dévalorise les élèves dits “moyens” ou “mauvais”. Entendre des collègues parler d’élèves comme étant des ratés, incapables de réussir leur vie, incapables de réaliser leurs rêves, les manipuler pour les envoyer dans telles filières plus gratifiantes à leurs yeux que d’autres… Certains le disent directement aux élèves, ce qui les brise et les affecte plus profondément qu’on ne peut l’imaginer… Tout cela me bouffe et ronge mon envie de faire encore partie de ce système…
Je n’ai pas plus belles reconnaissances que celles de mes anciens élèves, de leurs messages de remerciement, des nouvelles qu’ils me donnent mois après mois, années après années…
Je n’ai pas plus grande gratitude que celle que je ressens pour ma conjointe, pour tout ce qu’elle m’a apporté.
Personnellement, pour rien au monde nous ne remettrons nos enfants à l’école. Nous ne nous laisserons pas priver de notre liberté d’instruire nos enfants comme nous l’entendons. Et si d’aventure ce gouvernement qui a peur de cette liberté que nous voulons embrasser, nous prive de cette possibilité, je quitterais l’éducation nationale car plus nous avançons et moins j’ai envie de poursuivre ma carrière dans un lycée. Plus nous avançons, et plus nous avons envie ma conjointe et moi, de partager ce que nous avons appris. Nous pensons de plus en plus à monter une école démocratique. Le projet commence d’ailleurs à se construire.
Voilà pour ce qui est de mon parcours et mon expérience IEF et les conséquences qu’elle a eu sur ma vie personnelle et professionnelle. Je vais maintenant vous exposer mon point de vue.
Rappelons déjà qu’aucune statistique n’est avancée sur le nombre de familles extrémistes parmi les familles IEF. Et ils sous-entendent ici les familles musulmanes seulement… Pas les familles chrétiennes extrémistes car il y en a aussi, mais elles ne dérangent pas elles, enfin, il faut croire. Pour ma part, elles me dérangent au moins autant… On a ici, comme tout le monde le sait, une stigmatisation et un amalgame immonde. Ce projet de loi soit disant “bienveillant” pour nos jeunes ne serait donc que le reflet d’une idéologie raciste ? Mais quand on y pense, cela n’aurait rien d’étonnant puisque Messieurs Macron et Blanquer prennent en exemple l’Allemagne…
Hum… Qui donc a interdit l’IEF chez nos voisins germaniques ? Ne serait-ce pas un certain Hitler, en 1938, afin d’enrôler et d’endoctriner les jeunes ?
Donc en France, on estime, qu’en 2021, il est judicieux et bienveillant à l’égard de nos enfants de mettre en place une loi liberticide hitlérienne ? Quand on a dit ça, on a déjà tout dit… Enfin bon, on va tout de même aller plus loin.
On nous avance un projet de loi qui vise déjà à faire des exceptions. Rappelons également que, tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit (Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyens de 1789, dont nous, français, sommes si fiers, et à raison). Notre pays qui prône la Liberté, l’Égalité et la Fraternité va donc se prémunir d’une loi liberticide qui n’est ni égalitaire, ni fraternelle puisque il y aura des exceptions justifiées par des arguments stigmatisant une partie de la population musulmane. Il n’y a qu’un mot qui puisse qualifier ce projet de loi : anticonstitutionnel !
Encore une fois, je me battrai, avec ma conjointe, pour pouvoir garder cette liberté fondamentale quitte à devoir pratiquer la désobéissance civile.
On peut rajouter également que si ce projet de loi voit le jour, au moment où c’est pour une bonne raison… 100% des familles françaises ont eu recours à l’IEF en 2020, et je remercie le COVID19 pour ça… Parmi elles, un grand nombre a décidé de poursuivre l’aventure,… ce qui bien sûr, ne plaît pas à l’Éducation Nationale car elle est de ce fait débordée par les contrôles à effectuer et perd des élèves.
Il y a encore bien d’autres choses à dire sur la socialisation des enfants IEF qui, d’après mon expérience, sont globalement plus sociaux, ouverts, confiants, épanouis,… heureux, que les enfants issus du système scolaire public comme le montrent les études faites sur ce sujet. Mais je ne m’attarderai pas sur ce sujet ici. Je ne dirais qu’une chose, soit notre Président et notre Ministre de l’Éducation sont des ignorants, soit, et dans ce cas c’est terriblement plus grave, ils parlent en sachant cela, et donc ce sont des hommes politiques qui ne désirent que nous priver de nos libertés fondamentales pour mieux nous contrôler !
Pour finir, le gouvernement et l’Éducation Nationale parlent de ce projet comme d’une loi déjà adoptée afin de manipuler l’opinion et de pousser les plus craintifs à renoncer à l’IEF, mais ce projet n’est que ce qu’il est, un projet… Et nous n’avons pas renoncé à nous battre pour nos droits.
Loin de moi l’idée de juger ou de faire culpabiliser les familles qui ne pratiquent pas l’IEF. On ne peut/veut pas tous y avoir recours, on en est tous capables mais il faut avoir cette possibilité ou faire ce choix de vie parfois difficile.