Yves Bonnardel est un essayiste et éditeur. Issu d’une famille d’enseignants, il est notamment l’auteur de « La domination adulte ». Voici sa réaction suite à la déclaration d’Emmanuel Macron le 2 octobre dernier.
Je n’ai pas moi-même d’enfants mais j’ai connu au fil des trois dernières décennies une dizaine de familles et une vingtaine d’enfants qui n’allaient pas à l’école. Ils étaient enjoués, curieux du monde et des autres, passaient du bon temps tranquillement et bénéficiaient en outre d’un vrai accompagnement positif, de leurs parents et de leur entourage. Ils avaient beau vivre avec une grande liberté, entourés d’attention, d’amour ou d’amitié et bénéficier de l’estime de leur entourage, ils n’étaient pas « désocialisés ». Au contraire, ils n’éprouvaient pas de crainte des autres, ne se méfiaient pas et ne les redoutaient pas. Ils apprenaient ce qu’ils souhaitaient et ce dont ils avaient besoin, à leur rythme, à leur convenance et plusieurs ont pu ensuite passer le bac en s’inscrivant en première ou en terminale, ou bien en candidat libre, ou bien encore par la suite, en passant un équivalent (l’ESEU, par exemple), sans difficultés particulières. Une jeune est même rapidement devenue prof de français !
Surtout, j’ai eu l’impression qu’ils ont évité le terrible gâchis de leur enfance et qu’ils ont pu devenir majeurs lorsqu’ils l’ont souhaité. Leurs parents ou accompagnants, bien souvent, ont mis de côté leur carrière pour leur porter l’attention dont ils avaient besoin et ils ont bénéficié de relations d’une grande qualité, qui font souvent défaut lorsque les uns et les autres travaillent (à l’école ou au turbin).
La disparition de la liberté d’instruire en famille est une catastrophe. Bien qu’il ne s’agisse pas réellement d’une liberté « des enfants », mais seulement « des parents » (y compris, parfois, à l’encontre de leurs enfants), cette liberté des parents peut devenir la possibilité d’une liberté des enfants, c’est pourquoi elle m’importe.