Bonjour,
Je m’appelle Amélie et je souhaite témoigner aujourd’hui de mon expérience.
Ex-professeure des écoles et professeur d’anglais en collège depuis 2014, j’ai décidé, suite à mes recherches et à mon vécu, de proposer à mes filles d’apprendre hors de l’école.
Je les ai invitées à visionner le film « Être et devenir » et, de mai à la fin de l’année scolaire, nous avons rencontré des groupes de parents et d’enfants de notre secteur (qui apprenaient hors établissement), et ce, deux après-midis par semaine. Satisfaites et confiantes, nous avons décidé de sauter dans ce grand inconnu.
En tant qu’ancienne élève « modèle » et professeure, je n’étais pas tout à fait rassurée. Au départ, je me suis accrochée à mes anciens repères : l’emploi du temps fixe et les exercices des manuels.
Au premier soir du festival « école pour la vie », mon aînée, âgée de 11 ans, m’a dit : « tu sais maman, je crois qu’on fait pas comme il faut !«
Nous étions dans un camping, entourées d’enfants joyeux qui couraient partout, venaient nous rencontrer, s’asseyaient pour lire des livres sur nos duvets. Etonnée, je lui ai répondu : « Ah ? Je ne sais même pas vraiment ce qu’on cherche et je crois même qu’il y a autant d’IEF que de familles, alors explique-moi !«
Elle a poursuivi : « Bah, oui, regarde, les autres, ils n’ont pas de manuels !«
« Peut-être qu’ils ne les ont pas apportés« , ai-je rétorqué.
« Moi, je suis sûre que les parents ne leur demandent pas quel est le pourcentage d’eau de la masse de Pierre qui pèse 47 kg, alors qu’on ne sait même pas qui c’est, ce Pierre !«
Elle avait marqué un point. Nous avons fait une croix sur les exercices pour se concentrer sur les savoirs : découvrir, s’interroger, chercher, comparer, analyser, se faire une idée, construire,…
Mon aînée sortait d’une année de CM2 où toutes les compétences avaient été validées par l’enseignante. Cette dernière a eu du mal à accepter qu’elle ne poursuive pas en établissement : « puisque tout va bien, pourquoi la retirer de l’école ?«
C’est justement parce que tout allait bien, que nous choisissions en conscience d’essayer un autre sentier !
Léa a passé une année dont elle se souviendra plus tard : elle a rencontré plus de personnes d’âges différents (des bébés aux personnes âgées) et de milieux sociaux variés ( des pompiers, une soeur, un sans-abri pélerin, une relieuse de livres,…) que ce qu’elle aurait croisé en quatre années de collège. Elle a pu respecter son rythme et ainsi laisser ses envies et besoins s’exprimer : elle a pu se rendre à un forum dédié aux métiers qui l’intéressaient, rencontrer des personnes du milieu de l’équitation, passer du temps dans la nature et avec les animaux, lire énormément,…
L’inspection s’est très bien passée. Les enseignants rencontrés en novembre ont semblé avoir compris notre démarche : essayer un nouveau chemin hors des sentiers battus et voir ce que nous apportait ce droit.
La cadette sortait d’une année de CP. Sa vivacité, ses intérêts multiples ne s’étaient pas bien assortis à l’école. Dans une classe de GS/CP où aucun des groupes n’étaient autonomes, elle n’avait pas pu manipuler suffisamment en mathématiques. Un jour, il était écrit sur le cahier d’écriture qu’elle avait mis une heure à copier trois lignes de la lettre « m » et lorsque je lui demandais d’écrire à la maison, elle se mettait à pleurer. Elle ne voulait plus ni lire, ni écrire, ni compter.
Nous avons passé l’année à retrouver l’envie de faire : lire, écrire, compter,… retrouver le plaisir et la motivation qui va avec. Il faut parfois passer par des chemins peu orthodoxes pour retrouver l’envie d’aller de l’avant.
En quelques mois, elle n’a pas appris le jargon grammatical, ni la multiplication à deux chiffres mais elle s’est mise à lire à deux puis seule, à dessiner et enfin à écrire.
A la fin de l’année d’Instruction En Famille (IEF), mon aînée a demandé à entrer en 4e agricole, spécialité équitation. Il lui a fallu quelques temps pour s’adapter à l’emploi du temps, aux notes et à l’internat mais elle a de bons résultats, aime ce qu’elle apprend et s’est fait de nouvelles amies.
La plus jeune est en CE2 dans une école privée. Elle adore sa maîtresse, fait ses devoirs sans se plaindre et progresse à vue d’œil.
Ce dont je me souviendrai de cette année ce sont : une complicité familiale, de l’amour, de la compréhension. Des sourires et des rires. Des enfants bien dans leur peau, guidées par l’envie et le plaisir. Des parents présents et attentifs, du temps.
Je ne dis pas que tout a été rose, il a eu des moments de fatigue, de doutes, bien sûr, mais si c’était à refaire, nous recommencerions sans hésiter. Ce qui n’étaient que des hypothèses, sont devenus des faits : accompagner l’enfant, c’est lui permettre de se connaître. Mon aînée a gagné de la confiance en elle, a mûri son projet et a sauté une classe. Ma plus jeune a retrouvé le goût d’apprendre, de faire et a appris à se poser, à gérer ses émotions.
Le droit de choisir les modalités d’instruction par les familles est fondamental et doit être protégé.