Je voudrais témoigner de notre histoire, plus que d’un choix d’instruire en famille.
Nous avons 2 enfants instruits aujourd’hui en famille : U. (13 ans) et V. (16ans).
Leur soeur continue d’aller au collège parce qu’elle s’y trouve bien et que c’est son choix.
Pour ma part, je suis une ancienne enseignante, bonne élève qui ne s’était jamais posé de questions sur l’école avant d’avoir en classe certains profils d’élèves tellement difficiles à accompagner… et des enfants !
Donc, tout a commencé avec U. qui n’aimait pas beaucoup l’école. Déjà, en petite section, il cherchait chaque matin, en pleurs, à se détacher du rehausseur et à ouvrir la portière de voiture. Chaque soir, à la question « comment s’est passée ta journée ? « , la même réponse : » c’était la pire journée de ma vie « … Mais U. travaillait bien et ne posait pas de problème de discipline alors on a minimisé, pensé qu’il fallait se forcer un peu,… Qui aime vraiment l’école, hein ? Alors, prends sur toi et arrête de te plaindre, en plus tu as des copains et de très bonnes notes !!!!
Oui, il s’est tu. C’est son corps qui a fini par nous parler.
Une enseignante que nous remercions encore pour sa clairvoyance, nous a alertés sur le fait qu’U. s’éteignait complètement et qu’il ne POUVAIT plus aller en classe. Nous étions en octobre de son année de CM2.
Il était alors en fauteuil roulant suite à une minime entorse qui ne guérissait pas, il ne souriait plus jamais, devenait phobique d’un tas de choses… Il fallait, d’après elle, lui proposer une instruction alternative qui lui permettrait d’avancer à son rythme. Nous savions qu’il présentait un haut potentiel.
Il a fait son CM2 en école hors contrat Montessori, même constat : U. avance très vite et apprend sans que personne ne sache très bien comment mais il ne se sent pas à sa place, même avec ce type de pédagogie. L’enseignante confirme et préconise alors de demander un passage directement en… 4ème… mais il n’a que 10 ans !
En complet décalage avec les enfants de son âge, il ne peut pas aller au collège.
Et il n’ira pas.
C’est fini.
Trop de pleurs, trop de temps et d’énergie gaspillés…
Trop d’amour meurtri et d’incompréhension de toutes parts.
Dans le même temps, V., nouvellement en seconde a commencé à montrer des signes de troubles psychologiques annonciateurs d’une phobie scolaire. Excellente élève, elle aussi, elle ne trouvait aucun sens dans ce qu’elle apprenait et finissait par se perdre elle-même. La neuropsychiatre qui la suivait nous a conseillé de la déscolariser avant que son état ne soit critique. Ce que nous avons fait évidemment !
Nous avions tous besoin de sérénité, besoin de comprendre comment nos enfants fonctionnaient et ce qui pourrait les nourrir vraiment et les épanouir. Prendre le temps de mettre à plat pour construire.
Tout ceci a été possible mais il a fallu du temps, beaucoup d’écoute, d’observation. Accepter de sortir des conventions, de se tromper, d’être critiqués,…
Aucune école, aussi bienveillante soit elle, ne pouvait leur proposer ce que nous avons fait.
Nos relations ont grandi au lieu de s’appauvrir.
U. aura bientôt 13 ans et il prépare le brevet. Il travaille maintenant un peu plus de manière formelle.
Il passe quand même l’essentiel de son temps à s’intéresser à la géopolitique, aux sciences, aux oiseaux,… et rencontre beaucoup de personnes inspirantes dans le milieu de l’ornithologie et de la photo en particulier.
Cette année il est inscrit, comme V., dans une école démocratique hors les murs qui s’appelle Clonlara. Cette école valide des crédits dans différentes matières (imposées et libres) mais sans programme défini. C’est à l’étudiant de faire son propre programme en fonction de ses centres d’intérêts. Ils apprennent concrètement l’autonomie et la responsabilité.
V. passera donc son bac cette année, elle fait de la danse et du théâtre. Elle travaille en complète autonomie.
Tout cela pour expliquer que nous n’avons pas sorti nos enfants du système scolaire par choix idéologique ou pour les soustraire à une vie républicaine…
Leur santé était simplement en danger et nous, parents, ne trouvions pas de solutions dans l’institution.
Pourtant notre devoir, vous en conviendrez, est de les protéger.
C’est le droit d’instruire en famille qui les a sauvés, rien de moins !!!
Non, ce droit n’est pas un privilège, il a sa raison d’être, pleine et entière.
Nos enfants aujourd’hui sont épanouis, ouverts et sociaux, à l’aise avec les adultes et engagés dans leurs idées.
Ils ont eu besoin, de prendre ce temps sans école pour se construire. Ils y retourneront sans doute un jour (ou pas ?) réparés et acteurs de leur vie.
C’est le cas d’une grande majorité des enfants instruits en famille : l’Instruction En Famille (IEF) les a sauvés.
Alors bien sûr, certains enfants (mais quels chiffres ???) sont malheureusement moins bien traités… Pourtant des contrôles sociaux et pédagogiques ont lieu chaque année dans les familles en IEF et l’état se doit, à ce moment-là, d’intervenir… puisqu’il nous dit connaître leur existence !!! Ou alors, on nous parle de familles qui ne déclarent pas les enfants, mais alors, il n’y a plus aucun rapport avec l’IEF ?! Cela restera toujours possible !
D’autre part, une famille maltraitante ou qui cherche à radicaliser ses enfants passe, me semble-t-il bien facilement sous les radars à l’école, non ?
Interdire l’IEF obligerait certaines familles à être hors la loi et par conséquent réellement hors contrôle.
Voilà, j’avais à coeur d’insister sur l’idée que rendre l’école obligatoire, non seulement, ôterait aux parents la possibilité d’exercer pleinement leur devoir de protection et d’éducation envers leurs enfants mais en plus serait contreproductif pour la surveillance des familles soupçonnées de radicalisation ou maltraitance.
Encore une chose, des dérogations pour raisons médicales seraient accordées. Soit, mais nos enfants ne présentent pas de handicap, ni ne sont malades,… Depuis quand avoir des capacités intellectuelles est un handicap ? Qui plus est pour aller à l’école ???
Beaucoup ne rentrent pas dans le moule que l’école impose actuellement par manque de choix réellement alternatifs et gratuits, c’est peut-être là la vraie question… Quelle école pour un véritable vivre ensemble aujourd’hui et demain ?
Comment en septembre prochain, obliger sans Violence Educative Ordinaire (VEO, rappelons que la loi les interdits !) à :
– soit retourner à l’école qui ne parvient pas à les faire grandir harmonieusement,
– soit porter l’étiquette du handicap pour le restant de leur vie ?
Vous imaginez alors le ressentiment de tous ces enfants et parents envers l’institution scolaire ?
Quel gâchis ce serait… parce que c’est l’injustice, le sentiment d’échec, la perte de confiance en soi et le ressentiment qui sont source d’isolement et de radicalisation, pas l’école à la maison !!!